Trois questions à Laurent Karila,

psychiatre à l’hôpital Paul Brousse, spécialiste dans l’addictologie,
porte-parole de l’association SOS Addictions
et auteur de L’alcoolisme au féminin (Éditions Leduc)


Sécurité routière
 

Sécurité routière
Les gens savent que c’est dangereux d’utiliser son smartphone au volant mais ils continuent à le faire. Il faut ré-insister sur des messages de prévention comme « je monte dans ma voiture, je me déconnecte » pour changer les comportements, réguler l’usage du smartphone Sécurité routière
 

Peut-on parler d’addiction au téléphone portable ?
Nous sommes en réalité « addicts » à ce qu’il y a derrière l’écran, les médias digitaux. Nous sommes beaucoup à être hyper connectés mais il y a différents axes de consommation. Il y a les hyperconnectés qui n’ont pas réellement de problèmes. Il y a les hyperconnectés excessifs qui peuvent commencer à avoir des problèmes. Par exemple, ils répondent à un sms en voiture, et ils tapent sans trop de dommages la voiture de devant. Et, après, il y a les authentiques addicts qui, au volant notamment, deviennent dangereux pour autrui et eux-mêmes. C’est un autre phénomène parce qu’ils ne sont plus libres. Ils cherchent à être connectés en permanence pour ne rien rater.
Cette addiction touche tout le monde avec tout de même une variante générationnelle. Les plus jeunes sont nés dans le digital, c’est un outil qui fait partie de leur vie, ils sont forcément plus représentés. Mais, la tranche 35-50 ans comme les seniors se sont adaptés à ces outils.
 

Les Français sont souvent conscients du danger que représente l’utilisation du téléphone au volant, comment expliquer qu’ils utilisent quand même ?
C’est le potentiel que possèdent les médias digitaux à accrocher les gens. C’est le reflet de la société actuelle, tout va très vite, tout est très addictogène. On doit être performant, on doit répondre à toutes les sollicitations dans un temps limité. Cela déborde sur la vie privée où finalement peu importe la situation, même si on est conscient du problème, on continue de l’utiliser. On retrouve notamment ce phénomène chez les addicts, on continue malgré la connaissance des conséquences potentiellement négatives. Toutefois, les gens savent que c’est dangereux, mais ils continuent à avoir le même comportement. On est dans un processus où la société a potentiellement des produits qui peuvent rendre les gens « accro ».
 

Quelles sont les solutions pour les dissuader d’utiliser leur téléphone au volant ?
Il faut ré-insister sur des messages de prévention comme « je monte dans ma voiture, je me déconnecte ». Parce qu’interdire, mettre des amendes, cela ne suffit pas. Il faut inciter à faire cet exercice de déconnexion. Il faut s’entraîner à le faire en voiture, mais aussi pendant les réunions, à différents moments de la journée au travail, etc. Il faut apprendre à se couper des sollicitations. Je sais que c’est facile à dire, moins à le faire parce que lorsqu’on est sollicité, nous nous sentons gratifiés. Et cette gratification se perçoit comme un « like » sur les réseaux sociaux. On est dans un phénomène de plaisir.
Ceux qui n’arrivent pas à se déconnecter doivent en parler avec quelqu’un qui connait le sujet.
 

Six habitudes à prendre pour s’éloigner de son téléphone :
  1. Se déconnecter avant de prendre le volant
  2. Instaurer des moments dans la journée sans smartphone
  3. Désactiver les notifications
  4. Mettre son écran en noir et blanc
  5. Éloigner son smartphone du lit
  6. Ne sortir son smartphone que lorsqu’on en a besoin